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Le délire est l'un des symptômes emblématiques de la psychiatrie. Pourtant, il reste l'une des grandes énigmes de la psychopathologie, qui n'a pas résolu le paradoxe du délire : il est incorrigible comme une croyance, mais inconséquent comme une fiction imaginaire. Les auteurs envisagent dans quelle mesure le paradigme de la narrativité peut éclairer la compréhension du délire et de l'expérience psychotique. Ils présentent le concept de narrativité, et proposent de dégager des fonctions psychiques de la mise en récit. Puis ils discutent l'intérêt d'aborder le discours délirant comme un récit, en s'appuyant sur la littérature phénoménologique et psychanalytique sur la psychose et le délire. La construction délirante vise à contenir et à réduire l'expérience de perte de sens qui caractérise l'entrée en psychose. À l'instar du récit, le discours délirant, produit de ce « travail de délire », contribue à configurer le vécu en expérience, qu'il rend supportable et partageable. Mais le discours délirant témoigne aussi des échecs de la narrativité, puisqu'il lui manque la distance entre le narrateur et le récit. Le délire apparaît comme une forme paradoxale de récit, à la fois métaphorique (comme tentative d'expression du vécu) et non métaphorique (comme élément indissociable de l'expérience elle-même). La narration délirante n'est pas l'aboutissement du processus de symbolisation, mais elle s'y substitue, ce qui explique son caractère paradoxal.[-]